Merion Monthly
Février 2020
Introduction
« le mois de janvier n’aura pas été de tout repos », ce qui du coup me pousse à me demander comment je pourrais qualifier ce mois de février si janvier n’a pas été de tout repos. Cauchemardesque ? Ou simplement ; « épidémique » ? Il est vrai qu’il est facile de faire de l’humour sur cette épidémie qui ravage le monde selon certains « posts » sur les réseaux sociaux. Mais comme le disait Coluche, mon maître à penser : « si l’on ne peut plus rire des choses tristes, de quoi va-t-on rire ? ».
Toujours est-il qu’en toute fin janvier, le marché avait déjà fait un « hic up » avec les premiers bilans du Coronavirus – toussotement qui avait été rapidement effacé avec le soutien de la banque centrale chinoise qui avait démontré avec force, conviction et pas mal de milliards, qu’elle ne laisserait pas tomber son économie capitaliste qui atteint à peine l’âge de l’adolescence. Puis, dans le courant du mois nous avons compris que l’épidémie ne resterait pas sino-chinoise, ni chinois tout court, mais plutôt « chez toi ». Carrément chez nous, en Europe ou en Occident, puisqu’après l’Europe il y a les Etats-Unis et comme le virus sagement nommé COVID19 semble se déplacer dans le même sens que les fuseaux horaires, la suite semblait évidente et la panique s’est emparée de nous.
C’est quoi la panique ?
Il n’est pas simple de parler de panique – parce que la panique n’est qu’un état d’esprit, mais disons que dans le jargon financier on sait que nous sommes dans « baisses normales » de 0 à 10% -puis nous entrons en phase de « correction » tant que la baisse n’est pas de plus de 20% auquel cas nous entrons dans ce que l’on appelle un « BEAR MARKET ». Par opposition à un « Bull Market » – ce que nous vivons depuis 11 ans maintenant.
Mais par contre, il y a toujours des indices qui laissent à penser que nous sommes en train d’exagérer. Un des premiers indices que l’on peut observer, c’est la volatilité. L’indice américain VIX qui traque la volatilité des marchés US et l’indice allemand le VDAX qui fait de même en Allemagne, nous donne toujours de bonnes indications.
La volatilité (en finance) est l’ampleur des variations du cours d’un actif financier. Elle sert de paramètre de quantification du risque de rendement et de prix d’un actif financier. Lorsque la volatilité est élevée, la possibilité de gain est plus importante, mais le risque de perte l’est aussi. C’est par exemple le cas de l’action d’une société plus endettée, ou disposant d’un potentiel de croissance plus fort et donc d’un cours plus élevé que la moyenne. Si la croissance des ventes est moins forte qu’espérée ou si l’entreprise peine à rembourser sa dette, la chute du cours sera très forte.
La notion est plus souvent utilisée pour les oscillations à court terme que pour les grandes fluctuations boursières sur plusieurs années, souvent qualifiées (bien qu’irrégulières dans leur fréquence) de cycles boursiers. En réalité, le terme de volatilité concerne aussi bien le court terme que le moyen et long terme. Il ne caractérise pas l’indécision du marché à un instant donné, mais l’ampleur des variations de cours, à la hausse comme à la baisse, qui traduisent notamment des changements d’anticipations.
Pour bien comprendre les effets de la volatilité sur les marchés, rien ne vaut un bon graphique. Sur ce dernier, nous pouvons clairement voir qu’à chaque « pic » de volatilité, le marché affiche un trou d’une importance plus ou moins grande.
Graphique du VIX – Source : Investing.com
Le graphique démontre également que dès que l’indice « VIX » revient à la normale, les marchés repartent également à la hausse. Le plus gros problème dans tout cela, c’est qu’il est difficile de deviner quand est-ce que la « normalité » reprend son cours. On voit très bien que lors de ces phases haussières, le marché ne rebondit pas systématiquement dans les trois jours mais en général, lorsque l’on atteint les 50% de volatilité – on se rend compte que – souvent – le pire est passé.
Si l’on observe l’histoire, le VIX a battu ses plus hauts de tous les temps lors de la faillite historique de Lehman Brothers en 2008. En ce temps-là, il y avait eu jusqu’à 90% de volatilité dans les pires moments, ces moments où les clients nous appelaient pour nous jurer que plus JAMAIS ils n’achèteraient des actions. Nous avons mis du temps pour guérir, mais le pic extrême de volatilité aura presque marqué le plus bas de cette période troublée.
Le DAX aussi
Si l’on avait le moindre doute sur la réflexion, on peut se rendre compte que le principe est le même sur le DAX avec sa relation avec le VDAX. D’ailleurs si l’on se rappelle de la théorie des options, la volatilité est une composante du prix de l’option – je vous recommande de vous en souvenir pour ce qui suivra. Lorsque nous aborderons les ventes de puts.
Graphique du VDAX – Source : Investing.com
Un autre indice de panique est le fait qu’en toute fin du mois de février, les investisseurs ne voulaient même plus avoir d’or puisque le maître-mot de cette quasi-capitulation restait clairement « le cash est roi »
Tout comme la volatilité, lorsque le métal jaune plonge au plus bas alors que les marchés s’effondrent c’est quelque chose qui nous indique que les intervenants sont en train de capituler et qu’il renonce à tout stratégie d’investissement et que la seule chose qui reste, c’est les espèces sonnantes trébuchantes. Là aussi, en observant le graphique de l’or, on se rend clairement compte que dans les moment où nous rentrons en mode « sauve qui peut, mon portefeuille d’abord et ma femme et mes enfants ensuite », la rationalité n’est plus de mise .- je précise que le graphique est en base monthly et à la fin du mois de mars, nous aurons le même type de parallèle Gold/S&P500 – cela ne montre pas un résultat 100% valable pour les statisticiens, mais cela démontre bien que nous sommes « hors de la réalité ».
Citation tirée d’un article des Echos du 28 février 2020
Cette situation rare montre à quel point certains investisseurs sont pris à la gorge. « La demande de sécurité est confrontée de plein fouet aux besoins de liquidités ailleurs », explique un trader, cité par Bloomberg. En d’autres termes, les traders vendent de l’or pour couvrir des pertes ou dans le cadre d’appels de marge.
Graphique de l’or en comparaison avec le S&P500– Source : Investing.com
Le troisième indice de panique
Après des hausse exceptionelles de la volatilité, après une corrélation illogique avec l’or il reste encore le pétrole et les bons du trésor américain. La boucle sera ainsi bouclée. Commençons par le baril, c’est le plus simple.
Un indicateur de la croissance
Le baril de brut a toujours été considéré comme un indicateur de croissance. En effet, si les industries tournent à plein rendement, il semble plus que logique que la demande pétrolière augmente, car contrairement à ce que l’on pourrait penser., le pétrole ne sert pas qu’à faire tourner des moteurs, mais entre aussi dans la composition des plastiques et autres élastomères. Et cela, sans parler des textiles et autres produits chimiques.
Il n’y a donc qu’un seul parallèle à tirer : si l’économie ralenti, le pétrole va baisser. Si l’économie galope au triple galop, le baril remonte. Dans le cas qui nous occupe, inutile de vous dire qu’avec la Chine qui tombe en panne et qui ferme ses usines, il est extrêmement simple de faire des parallèles. « La Chine ne consommera plus jamais et le pétrole va à 10$ » – j’ai toujours dit que lorsque quelqu’un vient dans les médias pour nous annoncer un pétrole à 10$ et qu’en plus c’est un coup sûr, le marché est en train de tester les plus bas. Et ce week-end, Pierre Andurand qui avait annoncé un baril au firmament il n’y a pas si longtemps, vient de tourner la veste pour nous annoncer un baril à 10$.
Graphique du pétrole – Source : Investing.com
Peut-être que la panique a fait son office.
À ce stade-là, nous avons trois indicateurs de panique sur 5 – le quatrième est lié au bons du trésor américain. En effet, lorsque vous ne voulez plus avoir d’investissements et que vous avez peur, il ne vous reste plus qu’un seul endroit pour se planquer ; les bons du trésor américain. Lorsque le rendement de ces derniers par totalement en vrille, vous pouvez être certain que toute la communauté des investisseurs est en train de se ruer dedans – d’où la hausse du prix des obligations américaines et l’écroulement des rendements.
En général, plus la peur augmente, plus le rendement du 10 ans US diminue, puisque « Jo Investisseur » se fiche pas mal de quel rendement il va obtenir, ce qu’il veut surtout, c’est se protéger et il paraît que l’Etat Américain est fiable – ce qui reste à prouver, mais on ne va pas polémiquer sur la chose dans ce monthly, sinon on va m’interdire d’entre sur le territoire le mois prochain et je ne pourrais pas aller tester la nouvelle Aston Martin dans le désert californien.
Un 10 ans au plus bas depuis… toujours
Là encore, preuve de panique aura été faite, puisque le 10 ans américains est au plus bas depuis tous les temps et que son cousin le 2 ans s’est fait laminer de même, même si historiquement on pourrait encore aller plus bas dans son cas spécifique.
Pour faire très simple, nous avons réuni pratiquement tout ce qu’il faut pour dire que l’on atteint des niveaux de panique. Certains puristes diront qu’il manque encore la capitulation du grand public, mais actuellement je pense que le grand public n’est pas encore assez investi pour paniquer. On va donc se contenter de la volatilité qui explose de l’or et du pétrole qui baissent de concert et des obligations du trésor qui offrent des rendements tellement minables mais qui génèrent encore de l’intérêt.
Ci-dessous, vous pourrez observer le graphique du 10 ans US – depuis 1971 – soit mon année de naissance – aujourd’hui il offre péniblement 1.10% rendement et tout le monde lui court après. Là aussi : panique. Surtout quand on connait la qualité de certaines boîtes qui paient des dividendes – ce qui me mène également au constat suivant : tous les secteurs sans absolument aucune discrimination ont été massacré. Non, en conclusion, le marché semble avoir atteint le paroxysme de la panique.
Graphique du 10 ans américain – Source : Investing.com
Alors, to buy or not to buy ?
Comme mentionné plus haut dans ce rapport, nous sommes entrés en zone de correction juste avant la fin du mois de février. Ce que l’on sait – statistiquement, c’est que depuis la fin de la seconde guerre mondiale, nous avons eu 26 correction pour une moyenne de 13.7%, ces corrections ont duré en moyenne 4 mois et il aura fallu en moyenne 4 mois pour tout récupérer.
Si vous suivez les marchés financiers depuis quelques années, vous devriez avoir remarqué que tout s’accélère, tout va plus vite. Alors en supposant que nous sommes dans une correction et pas un krach ou dans un « Bear Market » – dans le cas du Bear Market, il faudra attendre encore un peu – le marché devrait avoir plus ou moins atteint son point pas, il est donc peut-être temps de revenir un peu dans le jeu. Sans compter qu’il y a les banques centrales qui se sont déjà portées au chevet des marchés financiers – pas encore de façon coordonnées, mais on sait déjà que le consensus parie sur 100% de chance de voir une baisse des taux aux USA lors du meeting du 17-18 mars.
Le danger des banques centrales
Alors oui. Oui, depuis 2009 ce que les banques centrales ont mis en place pour soutenir les bourses et l’économie (mais surtout les bourses), c’est très mal. Ça s’apparente à de la manipulation génétique et au fond de nous on sait pertinemment qu’un jour ça va se retourner contre nous et nous péter méchamment à la figure. Mais pour l’instant ça fonctionne encore et le soulagement montré hier par les marchés après quelques signaux forts, correspondait sûrement au fait que l’on est content de voir qu’encore une fois, ils seront là pour nous tenir la main quand on n’arrive pas bien à marcher tout seul. Un jour les Banques Centrales ne seront plus là et vont nous abandonner comme des vieilles chaussettes. Mais pour le moment, le modèle semble fonctionner encore.
Solidarité
Précision encore une chose au sujet des banques centrale ; alors que je m’étais sous presse ce rapport mensuel les membres du G7 ainsi que Jerome Powell, patron de la FED et Steve Mnuchin, Secrétaire du trésor américain, ont fait une conférence de presse conjointe.
Lors de cette conférence de presse ils se sont déclarés mutuellement concernés par la problématique du Coronavirus et de son impact sur l’économie. Mais ce sont également exprimés pour une réponse conjointe.
Une réponse conjointe n’est pas encore coordonnée, mais qui pourrait le devenir prochainement.
Retenons bien une chose : on peut observer qu’encore une fois les grandes banques centrales mondiale se serrent les coudes et travaillent dans la même direction afin de soutenir l’économie et les bourses mondiales.
Et puis il y a encore le Coronavirus
Là aussi on peut garder en tête que le Coronavirus est en danger pour les marchés financiers. En revanche, il ne faut pas non plus oublier qu’aujourd’hui la grippe classique la grippe saisonnière que l’on connaît nous coûte 650 000 morts par année dans le monde.
Pire encore, si l’on va plus dans le détail des chiffres, on se rendra compte que le tabac fait 480 000 morts par année aux États-Unis. Sur ces 480 000 morts, 41 000 sont dus à la fumée passive. On peut aussi jeter un coup d’œil du côté des armes à feu pour se rendre compte que rien qu’aux États-Unis, c’est 45 000 morts par année.
J’irai même encore plus loin en disant que le text & drive – en gros envoyer des SMS au volant – coûte entre 3 et 4000 morts chaque année, aux États-Unis toujours.
Tout est relatif
Lorsque l’on met tous ces chiffres en parallèle cela nous permet peut-être de relativiser le cas du Coronavirus qui n’est après tout, qu’une grosse grippe. Il y a aussi le fait que le taux de mortalité est dépendant de l’âge et aussi que ces dernières semaines le ralentissement de l’épidémie en Chine n’est plus à prouver.
Alors soit, nous pouvons continuer à nous inquiéter massivement se dire que l’économie peut être impactée par ce coronavirus pendant quelques mois on peut également imaginer que cette épidémie peut également se disperser en Europe et en Occident. On peut aussi envisager, dans le pire des scénarios que les usines chinoises resteraient fermées encore jusqu’à la fin du mois de mars mais pire, cela semble bien compliqué.
Nous pouvons avoir peur que l’économie ralentisse, mais ça ne sera pas un cas de récession classique, mais uniquement un ralentissement temporaire dû à un facteur exogène et anxiogène.
Conclusion et raisonnement
Si je reviens encore une fois sur le cas de l’économie, des banques centrales et du Coronavirus, c’est surtout pour vous expliquer que dans l’investissement, il est parfois important de saisir les occasions qui se présentent à nous.
Si l’on revient sur ce qui s’est passé ces derniers mois, si on regarde la performance de certaines actions au travers de ces derniers mois, il est parfaitement normal d’avoir envie de profiter de l’occasion que cette correction nous offre pour revenir dans le marché ou pour augmenter son exposition.
Il y a un risque – mais un risque contrôlé
Il y a évidemment un risque de ralentissement économique à cause de la Chine que l’on ne peut pas négliger ; mais en même temps il semble plutôt clair qu’à terme cette épidémie sera contrôlée.
Dans ce cas de figure il semble logique que si l’économie ralenti, ce ne sera que temporaire. Il semble donc opportunistique, si j’ose m’exprimer ainsi, de profiter de l’occasion pour accumuler quelques valeurs qui en valent la peine.
C’est pourquoi dans la suite de ce rapport mensuel je vais vous proposer 9 actions dans lesquelles nous pouvons envisager d’investir pour les mois à venir en partant du principe que la fin du monde n’est pas pour demain. Ni une fin du monde économique, ni une fin du monde boursière, ni une fin du monde tout court.
Thomas Veillet
CIO Merion Swiss Partners
Etude complète et suggestions d’investissements; demande à t.veillet@merion.swiss