Mois de juillet 2020
Toujours plus haut, même si parfois l’oxygène vient à manquer
Au début du mois de juillet LA GROSSE préoccupation, c’était le retour de la seconde vague du COVID19 ou alors est-ce que c’était plutôt l’arrivée de la saison des résultats trimestriels qui allait mettre tout le monde d’accord ? Difficile de faire le tri, mais disons que tout au long du mois, nous avons commencé à nous inquiéter du fait qu’il pourrait y avoir une seconde vague en Europe et sur le fait que la situation semblait totalement hors de contrôle dans des pays comme les USA et le Brésil (par exemple). Mais il n’aura pas fallu bien longtemps pour se rendre compte que l’investisseur moyen se moque totalement de la pandémie, puisque l’investisseur moyen ne tombe jamais malade, parce qu’il fabrique déjà des anticorps et que, si ça se trouve, il a déjà découvert un vaccin personnel à base de tisane de verveine et de whisky japonais au fond de sa cave.
Une fois que nous eûmes pris conscience du fait que le COVID, le nombre de contaminé et le nombre de morts faisait partie des informations inintéressante pour les bourses mondiales, il fût temps de passer à autre chose : l’Euphorie technologique.
L’Euphorie technologique est un truc que l’on a inventé à l’aube de ce siècle, lorsque les intervenants traitaient encore à coup de hurlement autour d’une table et où le concept de «plateforme de trading» ou de « bourse électronique » n’était qu’une vague esquisse d’un futur-proche. Un peu comme lorsque le film « Retour vers le Futur » imaginait qu’en 2015 les voitures voleraient et les skateboards aussi. Sauf que pour les bourses, ça s’est réalisé. Pour les voitures, elles sont devenues électriques et on a rajouté des guidons et de moteurs électriques aux Skateboards et c’est devenu des « trottinettes » – moyen de transport fréquemment utilisé par certains par des hommes à la pilosité fort développée en-dessous du nez.
Anne ma sœur Anne, ne vois-tu pas ce krach venir ?
Non, visiblement ma sœur Anne ne voit rien venir (surtout que je suis fils unique), mais si elle ne vient pas venir, bien des experts n’ont eu de cesse – durant ce mois de juillet – de nous rappeler que la fin était proche et qu’il fallait se préparer au pire. Ce qui est assez facile à dire – parce que vu l’altitude, il y a plus de chances que ça baisse que de chances que ça monte encore – bien que ça soit surtout une question de point de vue. Mais même si les corbeaux furent régulièrement de sortie durant tout le mois, nous sommes tout de même parvenu à battre des records dans tous les sens sur le Nasdaq et sur la plupart de ses gros composants – battre des records à tel point que nous nous sommes retrouvés dans une situation proche de ce que nous avions vécu en l’an 2000.
Pour ceux qui n’étaient pas là en l’an 2000, il faut tout de même savoir qu’en ce temps-là, tout ce qui était une boîte qui faisait de l’internet était supposer révolutionner le monde. N’importe quel type qui démarrait un business de point-com dans son garage était supposé devenir milliardaire en quelques semaines. Certains ont persisté – et d’autres – comme Jeff Bezos sont devenus les nouveaux seigneurs de la technologie, du monde et de la terre entière. Et bien aujourd’hui, ça recommence, mais c’est différent.
Mais d’abord, où en sommes-nous ?
Comme nous pouvons le voir sur le chart du Nasdaq ci-dessus, tout se passe bien. Le mois ne se termine pas au plus haut de tous les temps, mais merci à Apple et ses amis pour avoir publié des chiffres fantastiques, pour permettre ainsi à l’indice technologique de terminer proche de ses niveaux records. On notera tout de même le canal descendant qui laisse supposer que nous sommes proche d’un top majeur sur l’indice. Il semble d’ailleurs évident qu’un des challenges du mois de juillet sera de voir si l’on peut repartir au plus haut de tous les temps. Dans le cas contraire, la communauté déprimée des bears pourrait revenir à la charge. Il faut dire que malgré un mois spectaculaire, bon nombre d’analystes sont négatifs et continuent de penser que l’économie est au plus mal – chose qui est corroborée par des chiffres immondes au niveau du PIB lors de la dernière semaine de juillet.
Ces oiseaux de mauvaise augure finiront-ils par avoir raison – plus que probablement, mais la question est de savoir quand.
Plus qu’évident que ça ne va pas bien
On ne va pas se mentir, ça ne va pas bien. L’économie est au fond du gouffre et bien malin qui pourra nous dire comment elle pourrait repartir. Il est vrai que les gouvernements ont continué à donner de l’air aux marchés durant ce mois d’été, mais ils ont donné de l’air aux marchés. Pas aux économies. Le principe des plans de sauvetages et autres stimulus sont censés dynamiser les économies et ensuite les bourses monteraient parce qu’elles se rendraient compte que finalement ça ne va pas si mal.
C’est le principe de base.
Principe de base qui est complètement inversé, puisque depuis des mois les bourses montent alors que les économies restent au fond du trou complètement détruites par les conséquences du COVID19. Pour le moment, nous sommes au plus haut de tous les temps parce que l’on anticipe un V-shape recovery – V-shape recovery qui commence à ressembler de plus en plus à un U-shape recovery… tout en espérant que l’on ne se trouve pas dans une situation de L-shape recovery qui ne viendra jamais.
Merci les gros
Toujours est-il que même si l’économie ne fait rien et reste collée au fond du panier – si l’on en croit les chiffres – il y a tout de même un groupe de sociétés qui caracolent tête des charts et qui ne veulent plus s’arrêter de monter. Il est vrai que lorsque l’on contemple leurs chiffres trimestriels, on peut se demander si ce n’est pas eux qui inventé le COVID19 en laboratoire, tellement la situation semble leur profiter. En fin de mois de juillet nous avons donc eu la joie d’assister à la saison de chiffres trimestriels et il faudra retenir que nous avons eu à boire et à manger.
Si l’on observe les chiffres du trimestre, on se rend rapidement compte qu’il y a deux catégories de sociétés ; ceux qui en ont pris plein la figure à cause du COVID et qui vont continuer à en prendre plein la figure et de l’autre les sociétés qui ont (presque) bénéficié de la présence du COVID et qui, à voir leurs chiffres trimestriels, doivent espérer secrètement que les boîtes de nuit restent ouverte, que les gens ne portent pas de masque et qu’il se frottent les uns aux autres en prenant l’avion. Histoire que le virus s’éparpille bien partout et que les profits continuent de faire la fête au milieu de la chaleur de l’été.
Mais d’abord les perdants
Si l’on fait le bilan des chiffres du second trimestre, on peut par exemple se rendre compte que rien qu’en France les sociétés du CAC40 ont perdu près de 23 milliards durant le second trimestre. On notera au passage Air France-KLM qui se sont fait défoncer et Renault qui ont fait le pire trimestre de leur histoire avec une perte abyssale de 7.3 milliards. Pour ce qui est d’Air France KLM, je tiens à préciser que j’ai repris l’avion pour la première fois depuis le mois de février. Eh bien je peux vous dire que quand on voit ce que l’on vit en avion et l’ambiance qui règne dans les aéroports, je ne suis pas près d’y retourner.
Mais ce n’est pas tout, La crise économique consécutive à la pandémie de Covid-19 s’est confirmée, dans les résultats semestriels de nombreuses grandes entreprises. Pour la quasi-totalité d’entre elles, les résultats financiers publiés ce jour sont dans le rouge. On notera un chiffre d’affaire en baisse de 55% chez Hermès.
Le chiffre d’affaires de Danone a reculé de 8,3 %, plombé par la chute des ventes d’eaux en bouteille dans les bars et les restaurants à l’arrêt en raison de la pandémie. ArcelorMittal a enregistré une perte nette de 559 millions de dollars au deuxième trimestre, pour des ventes de 11 milliards de dollars, en baisse de 43 %, la faute à une demande qui s’effondre littéralement. VW a annoncé avoir enregistré une perte de 1.4 milliards d’euros et la boîte à vitesse de ma Golf personnelle est en train de partir en vrille – ce qui est peut-être pire que le résultat financier du géant allemand qui annonce également un chiffre d’affaire en baisse de 23%.
Chez EDF,c’est 700 millions de pertes. Le groupe de matériaux de construction Saint-Gobain est passé dans le rouge au premier semestre, avec une perte nette de 434 millions d’euros. Le spécialiste de l’affichage JCDecaux a vu son chiffre d’affaires plonger de 41,6 % au premier semestre, alors que partout dans le monde les rues, gares et aéroports se vidaient de populations appelées à rester chez elles. Avec une perte nette de 254,9 millions d’euros au premier semestre, le groupe publie « les résultats financiers les plus pourris de son histoire
Lagardère est dans le rouge, la SNCF perd 2.4 milliards. Et la liste n’en finit pas . Airbus, Total, Royal Dutch – c’est tout simplement un trimestre catastrophique. La bonne nouvelle c’est que cela semble difficile que ça soit pire le trimestre suivant et il y aura donc un effet de base – enfin, on espère.
Lorsque l’on observe le CAC40, on se rend compte rapidement que les chiffres de fin de mois ont fait du mal à l’indice et si l’on écoute les experts locaux, on commence à souffrir de l’impact réel de l’économie réelle et les investisseurs commencent à douter. Au début du mois, le CAC40 caracolait en-dessus des 5’000 points et semblait ne plus vouloir s’arrêter. Plus le mois approchait de la fin, plus les marchés européens ont commencé à se dire que l’économie ne repartirait pas comme ça et que même le plan de sauvetage Euopéen mis en place par le Roi Macron lui-même ne suffirait pas – de loin pas. 750 milliards c’est bien, mais ça n’est pas assez alors que le chômage semble paré pour exploser et que le PME’s sont au bord de l’implosion. La rentrée de septembre risque de pas être triste niveau social.
En tous les cas, on sent bien que les marchés européens ont peur – peur de l’effondrement de leurs économies, mais également peur de l’effondrement massif de l’économie américaine qui continue de s’enfoncer dans la première vague du COVID – les chiffres de la contamination sont alarmants et certains états sont à nouveau en train de tout refermer. Sans compter qu’en Europe, le port du masque se généralise dans les lieux publics – ce qui a et aura inévitablement des conséquences sur la consommation puisque cela retient tout de même bien des gens de sortir de chez eux. Autant vous dire que si le port du masque venait à se généraliser à l’extérieur aussi – autant repartir en confinement. Un chose est sûr, tout cela sert encore une fois qui : les grandes sociétés technologiques qui supportent les indices boursiers américains. Car ne nous leurrons pas, sans ces méga-capitalisations boursières, les indices américains ne seraient pas là où ils sont. N’oublions pas qu’aujourd’hui les 6 composants du FAAMNGs représentent 25% du S&P500 à elles tout de seules et que les « experts » pensent que Bezos sera la première personne sur la terre à posséder 1’000 milliards. En nous soit dit, je ne sais pas comment ils imaginent ça, puisque pour ce faire, il faudrait qu’Amazon soit mulipliée par 5 – puisque le pauvre Bezos ne pèse que 200 milliards actuellement.
Si l’on devait un résumé de ce qui se passe actuellement sur les marchés, je crois que l’on pourrait le faire de la façon suivante :
- L’économie va mal mais on espère qu’elle va aller mieux
- Les marchés anticipent (trop ?) que l’économie va finalement repartir
- Dans la réalité, les industries dites « classiques » souffrent et le secteur de la tech et de tout ce qui nous permet de ne pas sortir de chez nous, rigole.
- Les Chinois et les Américains sont au bord du divorce
- Le COVID reste et semble vouloir rester très présent – mais on s’en désintéresse du point de vue financier (enfin, tant qu’on n’est pas concerné)
- L’or s’envole à cause des afflux de liquidités en provenance des banques centrales et des gouvernement et des taux à zéro et du besoin de valeur refuge.
- La visibilité sur l’avenir des marchés se mesure en jours plutôt qu’en semaines.
- Le Nasdaq est indestructible.
- Les grosses capitalisations du Nasdaq ont toutes plus ou moins annoncé des chiffres trimestriels qui laissent à penser qu’il n’y a pas de pandémie dans le monde virtuel dans lequel elles vivent. Apple est au plus haut de tous les temps, tout comme Facebook, Amazon, Microsoft… tout va bien en fait, cela dépend seulement du point de vue où l’on se place.
On se retrouve bientôt pour un nouveau point sur les marchés.
Thomas Veillet
CIO Merion Swiss Partners